Le très attendu World Nuclear Industry Status Report 2022 se concentre sur les centrales nucléaires françaises. Triste constat et sombres perspectives.
Le World Nuclear Status Report 2022 (WNSIR2022) est un tome de 366 pages rempli de figures et de croquis compilés par les plus grands experts mondiaux sous la direction de Mycle Schneider. Selon ce document historique, 411 réacteurs nucléaires étaient en service dans 33 pays au 1er juillet 2022, soit quatre de moins qu’à la mi-2021. La flotte mondiale actuelle a une capacité électrique nominale nette totale de 369 GW, ce qui est juste au-dessus du précédent record de 367 GW en 2006.
La flotte française en difficulté
En France, l’électricité représente 24,5 % de l’énergie finale en 2021. Le nucléaire fournissant 69 % de l’électricité, comme en 2020, il couvre 17 % de l’énergie finale en 2021. La plus grande part est couverte par les énergies fossiles avec le pétrole à 42 % et le gaz naturel à 20 %, tandis que les énergies renouvelables ne contribuaient qu’à hauteur de 11 %.
La découverte en décembre 2021 de fissures dans les systèmes de refroidissement d’urgence du cœur a entraîné l’arrêt des quatre réacteurs les plus grands (1 450 MW) et les plus récents de France, selon le rapport. Cet événement a représenté une perte inattendue de près de 6 GW de capacité en plein hiver, au moment du pic de consommation en France, plus que dans tout autre pays européen. Par la suite, il s’est avéré que certains des réacteurs de 1 300 MW – il y en a 20 – présentent également des symptômes similaires et, à la mi-2022, 12 réacteurs sont arrêtés indéfiniment. Reste à savoir dans quelle mesure le problème affecte les réacteurs de 900 MW – 32 tranches.
Il est donc urgent de renouveler la flotte, d’autant plus que la crise énergétique devient insupportable pour les entreprises comme pour les ménages.
Les soudeurs expérimentés sont rares
Mais les techniques d’inspection sont chronophages et il a fallu attendre fin juillet 2022 pour que l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) juge la stratégie d’inspection d’EDF « appropriée au regard des connaissances acquises sur le phénomène et les enjeux de sûreté correspondants ».
Lorsque des défauts sont détectés, la fabrication et le remplacement des pièces prennent du temps. Les soudeurs nucléaires expérimentés de haut niveau sont rares – les défis simultanés pour ces spécialistes sont bien plus nombreux sur le parc nucléaire français, dont le chantier de construction de l’EPR à Flamanville – et le travail implique des doses de rayonnement importantes qui pourraient rapidement conduire à des limites d’exposition réglementaires. Comme il y a déjà eu des cas où plusieurs tuyaux fissurés ont dû être remplacés par réacteur, l’inspection et la réparation prendront du temps. EDF entend inspecter l’ensemble du parc de seulement 56 réacteurs d’ici 2025.
Rattrapage des prix en 2023
Suite à la découverte du problème de corrosion, le 13 janvier 2022, EDF a publié une prévision révisée à la baisse pour la production nucléaire, et le gouvernement français a annoncé le même jour qu’il obligerait EDF à fournir à ses concurrents 20 % d’électricité en plus, à des prix fixes , que prévu – 120 TWh au lieu de 100 TWh – pour limiter l’effet de la flambée des prix de marché sur le consommateur… et faire plaisir aux électeurs potentiels avant l’élection présidentielle d’avril 2022 et les législatives de juin 2022. Cette mesure a limité la hausse du tarif réglementé à 4 % au lieu de plus de 40 %, mais les tarifs devront être rattrapés en 2023.
Au lendemain de l’annonce par EDF d’une révision à la baisse des prévisions de production et de la subvention gouvernementale à la consommation, l’action de l’entreprise chute de 15 %, et le 17 janvier 2022, l’agence de notation Standard & Poor’s place EDF sous surveillance négative, estimant que l’effet combiné de ces des évolutions pourraient réduire les résultats d’EDF en 2022 de 10 à 13 milliards d’euros.
« Une catastrophe pour la France !
Ce dernier problème technique affectant le parc nucléaire français s’ajoute à une série d’arrêts excessifs pour maintenance, réparation et réaménagement, accumulant la moitié ou plus des réacteurs arrêtés pour la plupart au premier semestre.
En mai et juin 2022, la disponibilité n’a jamais dépassé la moitié de la capacité nucléaire installée et a même chuté à un tiers. Le pire reste à venir lorsque le chauffage électrique des locaux fait grimper la consommation en hiver. « La faible production actuelle du parc nucléaire français pourrait s’avérer catastrophique pour la France », écrit un commentateur du quotidien économique Les Echos sous le titre « Coupures d’électricité : informez les Français !
Tous ces nouveaux problèmes pour une industrie déjà sous tension n’ont pas empêché le président français de prononcer un discours historique le 10 février 2022, saluant une « renaissance du nucléaire français ». Alors que la législation actuelle prévoit la fermeture d’une dizaine de réacteurs jusqu’en 2035 et la réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique, le Président souhaite « la construction de six EPR2 et que nous lancions des études pour la construction de huit EPR2 supplémentaires. ”
Pour l’instant, l’EPR2 n’existe même pas sur la planche à dessin ; aucune conception détaillée n’est encore disponible. L’administration gouvernementale estimait en octobre 2021 dans une note interne qu’il restait encore 19 millions d’heures d’ingénierie à déployer pour passer du stade « conception de base » au stade « conception détaillée » et que, si tout se passe bien, le premier EPR2 pourrait démarrer. en hausse d’ici 2039-2040.
EDF : une dette de 65 milliards d’euros
Le gouvernement avait demandé à EDF de « préparer un dossier complet avec la filière nucléaire sur un programme de renouvellement des installations nucléaires en France ». EDF a « commencé à préparer des propositions économiques et industrielles autour de la technologie EPR2 ». Cependant, EDF précise dans son rapport annuel 2021 qu’« aucune décision d’investissement n’a encore été prise, et le programme nécessitera des montages réglementaires et financiers adaptés.
Pendant ce temps, selon certaines estimations, la dette nette projetée d’EDF pourrait atteindre 65 milliards d’euros (67,9 milliards de dollars) d’ici la fin de 2022. Les responsables syndicaux ont averti que l’entreprise « pourrait ne pas passer l’année ». Début juillet 2022, le gouvernement a annoncé qu’il renationaliserait totalement EDF (il en détient actuellement 84 %).
Après l’avalanche de nouvelles catastrophiques de ces dernières années, l’action EDF avait plongé sous les 8 €, moins d’un dixième du pic de 2007, s’était un peu redressée du fait de l’annonce de la nationalisation, et restait juste en dessous de l’OPA annoncée de 12 € par action.
Le pire est encore à venir!
Pourtant, analystes et commentateurs ont rapidement affirmé que la nationalisation ne résoudrait pas les problèmes d’EDF. Comme le souligne le quotidien économique Les Echos : « Ce qu’il faut pour sauver EDF, c’est une transformation complète pour gagner en flexibilité et en efficacité. Pourtant, depuis quarante ans, l’Etat actionnaire n’a jamais démontré qu’il était capable de transformer des mammouths en gazelles.
Après la pire performance depuis des décennies, le pire reste à venir
Jusqu’à la fermeture des deux tranches les plus anciennes de France à Fessenheim au printemps 2020, le parc nucléaire français était resté stable pendant 20 ans, à l’exception de la fermeture du surgénérateur Phénix de 250 MW en 2009 et de deux tranches LTO au cours de la période 2015-2017. période.
Aucun nouveau réacteur n’a démarré depuis le raccordement de Civaux-2 au réseau français en 1999. Le premier et unique REP fermé avant Fessenheim est le réacteur Chooz-A de 300 MW, mis hors service en 1991. Les autres fermetures ont concerné huit réacteurs à uranium naturel et à graphite gazeux de première génération, deux réacteurs à neutrons rapides et un petit prototype de réacteur à eau lourde.
En 2021, les 56 réacteurs en exploitation ont produit 360,7 TWh, soit une augmentation de 7,5 % par rapport à l’année précédente, mais toujours en dessous du niveau de 2019 et la sixième année consécutive au cours de laquelle la production est restée inférieure à 10 %.
En 2005, la production nucléaire a culminé à 431,2 TWh. Il a fallu cinq ans au parc pour atteindre ce pic de production, et avec une capacité nucléaire installée quasiment stable entre fin 1999 et début 2020, les performances ont chuté après 2015 (voir Figure 25).
En 2021, les centrales nucléaires ont fourni 69% (+1,9 point de pourcentage) de l’électricité du pays après le plongeon exceptionnel de 2020, restant cependant en dessous du niveau de 2019. Selon RTE, la part du nucléaire a culminé en 2005 à 78,3 %. Les perspectives pour 2022 sont sombres. Après plusieurs révisions à la baisse, mi-2022, les estimations de production annuelle d’EDF se situent entre 280 et 300 TWh, un chiffre jamais atteint depuis 1990.
La production mensuelle a continué de se détériorer en 2022, avec une production inférieure à chaque mois du premier semestre de l’année par rapport à n’importe quelle année de la dernière décennie.
L’industrie nucléaire française est à la dérive.
Bibliographie :
Guide du vélo en ville/En savoir plus.,sur ce lien la fiche descriptive.
La France libérée (1944-1947).,Ici .
Pour décoincer la France, décentralisons !.,Redirection vers la fiche descriptive.